10 questions à Pierre Havet
Trésorier de France Mentor
Pierre Havet, vous êtes membre de France Mentor depuis quatre ans, également trésorier de l’association. Pouvez-vous vous présenter et décrire votre parcours ?
C’est un parcours de choix, dans le secteur des ressources humaines. Je suis sorti d’HEC en 1975, et ai pu avoir des expériences assez diversifiées, à la fois dans les tailles d’entreprises et dans des domaines très différents : dans l’industrie, dans la logistique, dans l’immobilier, voire dans les services. J’ai aussi développé en parallèle de l’exercice du métier RH généraliste, une passion pour le partage de la valeur. C’est aussi ce qu’on appelle épargne salariale et retraite. A ce titre, au moment de mon départ en retraite, je suis devenu le délégué général de l’association Fondact qui fait la promotion de ces dispositifs auprès de ses membres. En parallèle, je suis le coordinateur d’un programme de mentorat d’étudiants boursiers d’HEC.
Comment s’organise une démarche de mentorat, et d’autant plus au sein d’HEC ?
J’ai un peu tendance à dire qu’il n’y a pas de réponse standard à cette question. Chaque situation possède des particularités auxquelles on va s’adapter. En faisant quoi ? En écoutant, pour mettre en évidence les besoins. On va éviter de travailler seul, puis on va viser d’obtenir la validation des parties prenantes. Faire du mentorat au sein d’HEC, c’est extrêmement important, c’est un dispositif tripartite, un peu complexe, qui demande l’implication à la fois des alumni, des bénévoles de la Fondation HEC et de la délégation à l’égalité des chances de l’école. En se faisant épauler, par ailleurs, par une association spécialisée qui s’appelle Article 1.
Un des points importants dans cette opération de mentorat, c’est le recrutement régulier de nouveaux mentors pour constituer des binômes. Il y en a 55 qui démarrent chaque année. Il y en a probablement entre 80 et 90 qui fonctionnent de manière régulière. Il faut communiquer sans relâche pour animer cette communauté.
Quelle est la nature de ce projet, l’importance de ce mentorat ?
Ce qui donne de l’importance à ce mentorat, c’est qu’il vient en complément des aides financières pour les étudiants qui sont bénéficiaires de bourses. Le mentorat apporte aux étudiants de la confiance. Il va leur apporter la possibilité de travailler, réfléchir sur leur choix professionnel, d’appréhender le fonctionnement des entreprises et d’en comprendre les fonctionnements. Les références du monde de l’entreprise sont souvent inconnues des jeunes étudiants.
Ces jeunes continuent-ils à être suivis, par la suite, dans leur activité professionnelle ? Font-ils appel à d’autres associations comme France Mentor ou sont-ils toujours reliés au réseau HEC ?
Le programme ayant débuté en 2018, nous n’avons pas encore assez de recul pour établir une analyse précise auprès des étudiants qui y ont participé. En revanche, ce qui est vrai de la communauté des anciens d’HEC, comme de toutes les communautés d’anciens, c’est la présence d’une vraie solidarité. Une communauté se crée ; à travers elle, un réseau naît et les étudiants comme les anciens vont échanger, avoir une vie de promotion, mais aussi une vie dans les différentes activités. Il y a énormément de clubs professionnels à HEC. J’ai moi-même encore une implication dans le club Management et Ressources Humaines.
C’est ainsi qu’on a recruté beaucoup de mentors, en demandant aux financiers, aux juristes ou à d’autres de rechercher des volontaires. Et la Fondation HEC est évidemment source d’alimentation du programme.
Vous avez très brièvement évoqué votre rôle au sein de cette activité bénévole, comment pourriez-vous décrire votre rôle dans le duo mentor/mentoré ?
Cela nécessite d’être suffisamment en recul, tout en sachant intervenir de manière un peu pointue quand cela est nécessaire. Les coordinateurs sont les référents des binômes. Je ne prends pas la place ni le travail du mentor au sein de ce binôme, mais mon rôle est d’observer, écouter et éventuellement intervenir lorsque cela patine. Mon rôle est donc d’animer la communauté et de développer des méthodes communes. Ce qui peut paraître frustrant c’est d’avoir peu de contact avec les jeunes, qu’on ne voit généralement qu’une fois au démarrage, puis quelquefois en cours d’année ou après si nous avons des contacts particuliers avec certains, mais c’est assez rare.
Est-ce qu’un retour ou une évaluation est faite sur l’année de mentorat ?
On a essayé de le faire, ça ne s’y prête pas bien à cause des calendriers. On a donc contourné le problème en transmettant aux jeunes un questionnaire à mi-parcours pour analyser la contribution et l’importance du mentorat HEC depuis qu’il a commencé. On va leur demander ce qu’ils ont retiré de cette expérience, quels sont les résultats probants, quelles sont les attentes pour la suite, … Et puis on va demander aux binômes de s’exprimer autour du mois d’octobre, novembre, afin de savoir s’ils souhaitent continuer ensemble. On observe qu’une bonne partie des binômes continuent à se voir sur plusieurs années.
On a même des gens qui sont restés en contact pendant trois, voire quatre ans.
Intervenez-vous sur le choix du duo? Comment procédez-vous ?
On ne demande pas aux étudiants de choisir leurs mentors, ce n’est pas un marché. De même qu’on ne demande pas aux mentors de choisir leurs étudiants. On fonctionne avec un questionnaire type, les étudiants expriment leurs desiderata aussi bien sur le plan qualitatif que sur les modalités (pour détecter par exemple les étudiants qui accepteraient ou qui refuseraient d’avoir un mentor en province ou à l’étranger).
Si on détecte un problème ou si les autres partenaires du programme nous alertent, on intervient tout de suite, soit pour essayer de comprendre ce qui se passe, soit pour rectifier la trajectoire, soit pour changer les composantes de ce binôme.
On pourrait donc parler de trio et non de duo mentor/mentoré, vous avez une place importante dans l’existence de cette collaboration.
Nous n’avons pas à intervenir dans le fonctionnement du binôme, le binôme est constitué et il y a un référent. Encore une fois nous ne sommes là qu’en cas de difficultés. Personnellement, je ne suis plus mentor cette année, certains de mes collègues référents le font en parallèle. C’était mon cas la première année, mais c’est une question de choix et de timing. Il faut savoir que lorsqu’on débute ce type d’activité, dès lors que vous êtes volontaire, il faut aller au bout, sinon il n’y a pas de satisfaction.
Quel est votre rôle au sein de France Mentor ?
Je suis membre du bureau. Comme on a un fonctionnement plutôt collégial, en dehors de mon rôle statutaire de trésorier, je peux aussi bien contribuer à élargir la base d’adhérents, travailler à des évolutions de notre site internet ou rechercher des témoignages de binôme mentor/mentoré.
Comment êtes-vous arrivé jusqu’à France Mentor ?
Par le réseau HEC et la structure Management et Ressources Humaines. J’ai été président de l’Andrh d’’Ile-de-France. Brigitte Dubreucq était dans l’équipe. On se connaît de longue date. Je pense d’ailleurs que la fidélité professionnelle est une des valeurs majeures dans le mentorat et au sein de ce type de réseau. Inscrire une relation sur le long terme, c’est essentiel.
Puisque vous parlez des valeurs, quelles sont celles que vous partagez en priorité avec France Mentor ?
Nous mettons beaucoup en avant la notion de métier, donc à mes yeux c’est quelque chose d’essentiel. Un des points forts de France Mentor c’est sa charte. Je ne vais pas reprendre toutes les valeurs de l’association, mais il y a trois mots primordiaux à mes yeux : confiance, respect, responsabilité ; sans compter l’impact des dirigeants sur la performance et la contribution sociétale qui prend une place centrale aujourd’hui.
L’autre point que je voulais évoquer, c’est ce que je peux éventuellement conseiller (en tant que membre de l’association), à une personne qui a envie d’être mentor. En dehors d’adhérer à cette batterie de valeurs, c’est bien d’éviter d’arriver avec des idées préconçues : du genre le mentorat c’est du coaching ou ça n’en est jamais. Dans le mentorat, il y a du conseil, il y a parfois de la formation, il y a de la co-réalisation et il y a toujours une prise en compte du contexte des mentorés. J’ai envie de finir là-dessus car on a commencé tout à l’heure sur l’analyse du contexte. Quand j’ai démarré le programme pour les jeunes étudiants d’HEC, il y a eu une large phase de compréhension du contexte et du besoin. Clairement c’est un enjeu majeur.